
À LA UNE
L’art du déplacement : Danser avec la ville
Le parkour, également connu sous le nom d’Art du déplacement ou de freerunning, est né en France dans les années 80. À cette époque, un groupe de jeunes passionné·e·s par le mouvement, les Yamakasi, redéfinit la manière de bouger en milieu urbain. Ce groupe, composé entre autres de David Belle, Yann Hnautra, Chau Belle Dinh, Williams Belle et Laurent Piemontesi, développe une méthode d’entraînement basée sur le franchissement d’obstacles dans la ville, en n’utilisant que les capacités naturelles du corps. Loin de n’être qu’un exploit physique, l’Art du Déplacement est aussi une philosophie de vie, teintée de liberté, de dépassement de soi et d’adaptation à son environnement. De la France, cette approche du mouvement s’est ensuite propagée à travers le monde, inspirant des communautés passionnées aux quatre coins du globe.
Exemple de danser avec les obstacles
Années 80 : La naissance des Yamakasi
Dans les années 1980, dans les banlieues de Paris, notamment à Lisses et Évry, un groupe d'amis et de membres de familles, parmi lesquels Chau Belle, David Belle, Williams Belle, Yann Hnautra, Laurent Piemontesi, Guylain Boyeke, Charles Perrière, Sébastien Foucan et Malik Diouf, a commencé à se retrouver. Ces jeunes, unis par des liens d'amitié et familiaux, ont d'abord exploré ensemble des activités mettant à l'épreuve leur force et leur agilité. Ces moments de découverte et de dépassement personnel se sont transformés peu à peu en entraînements rigoureux. Ils ont alors développé un système d'exercices et de techniques spécifiques pour se préparer à des défis de plus en plus complexes, tant sur le plan physique que mental.
Yann Hnautra, par exemple, a été fortement influencé par les valeurs de son clan kanak et son enfance en Nouvelle-Calédonie, ce qui a façonné son approche de l'entraînement. Il a grandi avec les valeurs du clan « Hunop », qui signifie « les passeurs d’âmes », et a été inspiré par les exploits physiques extraordinaires des membres de sa famille et les rites de passage.
David Belle, quant à lui, semblait déterminé à suivre les traces de son père, Raymond Belle, dont la philosophie d'entraînement basée sur la méthode naturelle de Georges Hébert l'a profondément marqué. Sa détermination était alimentée par une éducation sportive stricte et l'exemple de son père.
L'environnement urbain d'Évry, avec ses passerelles et ses structures déconnectées du sol, a aussi joué un rôle crucial dans leur pratique. Ces lieux sont devenus un véritable terrain d'expérimentation pour leurs mouvements, où ils ont exploré les possibilités de l'espace urbain pour se développer physiquement et mentalement.
Ce contexte social et architectural a contribué à forger l'identité unique de leur pratique, une approche personnelle et créative du mouvement qui allait bien au-delà d'un simple loisir. Ces jeunes étaient en quête d’un moyen de s’exprimer et de se dépasser, trouvant dans leur environnement des défis stimulants.
Les Yamakasi, Charles Perrière, Chau Belle, Williams Belle, Yann Hnautra, Laurent Piemontesi, Guylain Boyeke, Malik Diouf, David Belle, Sébastien Foucan
Années 90 : Esprit Yamakasi et philosophie du mouvement
Dans les années 90, ce groupe d'amis a continué à affiner sa pratique, et l'esprit Yamakasi a émergé. En 1996, ils ont créé le terme "Art du Déplacement" pour décrire leur discipline. Le nom Yamakasi, qui signifie « esprit fort, corps fort, homme fort » en lingala, résumait leur approche. Pour les Yamakasi, l'entraînement ne se limitait pas à l'aspect physique, mais englobait également une dimension philosophique. Leur quête de sens et de dépassement physique était centrale. Ils considéraient l'Art du Déplacement comme un « art de vivre », un état d'esprit plutôt qu'une simple forme de développement physique. Leur démarche était guidée par une soif d'apprendre et de se tester dans toutes les dimensions de leur être, cherchant des réponses aux questions fondamentales de la vie à travers le mouvement. C’est ainsi qu’ils ont développé une culture basée sur des valeurs fortes comme la confiance en l’humanité, l’éducation, le respect de la nature et la tolérance. L'accent était mis sur l'entraide, le partage, le respect et la persévérance. Leur devise était : "On commence ensemble, on finit ensemble". Cette philosophie a marqué leur approche de l'entraînement et leur interaction avec le monde extérieur. L'esprit Yamak et leur philosophie du mouvement ont également influencé leur approche de l'enseignement. Les fondateurs ont mis l'accent sur la formation de l'humain dans sa globalité, en réutilisant toutes les capacités physiques, sensorielles et fonctionnelles du corps. Ils ont aussi utilisé l'art comme un moyen d'expression et de transformation
Années 2000 : La diffusion de l’Art du déplacement
Au début des années 2000, le groupe Yamakasi gagne en notoriété grâce à une exposition médiatique accrue, notamment avec le film « Yamakasi ». Cependant, il est important de noter que David Belle et Sébastien Foucan s'éloignent du groupe pour suivre leurs propres voies à cette époque. En 2005, la création de l'Art du Déplacement Academy à Paris et Évry par Châu Belle, Yann Hnautra, Laurent Piemontesi et Williams Belle marque une étape importante dans la structuration de la discipline. Cette initiative permet de rendre l’Art du Déplacement plus accessible, attirant ainsi un public plus large désireux d'explorer cette approche novatrice du mouvement.
Le terme « parkour », popularisé par David Belle, commence à se répandre, facilitant la mémorisation du nom par un vaste public. Au fil du temps, le parkour et l'Art du Déplacement, bien que partageant des racines communes et des similitudes, développent leurs propres nuances et spécificités. Il est important de noter que le terme "parkour" est une création de David Belle suite à sa séparation du groupe Yamakasi. L'essence de ces pratiques demeure cependant liée à l'idée de se dépasser, de bouger avec fluidité et d'encourager les autres avec bienveillance. L'Art du Déplacement met un accent particulier sur la dimension humaine, l'éducation, le respect et la tolérance
Extrait du film Yamakasi - Les samouraïs des temps modernes - 2001
2011 : L’Art du déplacement arrive à Québec
En 2011, l’Art du Déplacement prend une dimension officielle à Québec avec la fondation de l’Académie québécoise d’art du déplacement (ADD Québec) par Kevin Dugal, Jonathan St-Pierre, Nicolas St-Pierre et Vincent Thibault. Pour consolider leur approche et se connecter aux sources de la discipline, ils invitent Williams Belle et Chau Belle, membres fondateurs des Yamakasi et figures clés de l’Art du Déplacement, à participer à leur projet. Cette démarche témoigne de leur volonté de s’inscrire dans la lignée des pionniers tout en développant une identité locale. À cette époque, la pratique de l'Art du déplacement se déroule essentiellement à l'extérieur, dans l'environnement urbain, ainsi que dans un gymnase d'école, où les structures doivent être montées et démontées à chaque fois.
Chau Belle à Québec en 2011
2013 : L’arrivée de Martin dans l’Art du déplacement
En 2013, Martin découvre l’Art du déplacement. Il n’a jamais aimé les sports d’équipe ni la compétition, et trouve dans le parkour un univers où s’exprimer sans jugement. Très vite, il devient coach, partageant avec passion et bienveillance ses connaissances. Sa pédagogie, inclusive et adaptée à chacun·e, inspire et motive les pratiquant·e·s à repousser leurs limites et à évoluer selon leurs propres objectifs.
Son engagement le conduit également à s’occuper du local de la rue Saint-Jean, où il met à profit ses talents de concepteur. Martin veille à faire évoluer les structures du local, créant un environnement en constante transformation pour que chacun·e puisse s’amuser, apprendre et relever de nouveaux défis.
En parallèle, Martin voyage à travers le monde pour perfectionner sa pratique et enrichir son approche. Il participe à des événements internationaux majeurs tel que l’International Gathering à Gerlev et le fameux Evry Move à Evry, ville importante dans l'histoire de l'Art du Déplacement, où il échange avec des traceurs de divers horizons et s’inspire de nouvelles idées. Ces expériences lui permettent aussi de rencontrer les membres fondateurs des Yamakasi, dont l’influence façonne profondément sa vision et sa transmission des valeurs de l’Art du déplacement.
Martin lors d'un cours
Entrevue de Martin avec Machin club en 2021
Martin et Klo lors du montage de la structure pour le 10e anniversaire de l'ADD Québec au centre videotron
2014 : L’ADD Québec sur la rue Saint-Jean
En 2014, l'Académie québécoise d'art du déplacement (ADD Québec) s'installe dans un local sur la rue Saint-Jean à Québec, offrant ainsi un espace intérieur pour la pratique de l’Art du Déplacement, particulièrement durant les hivers québécois. Ce local sert de refuge pour la communauté, permettant de poursuivre les entraînements lorsque les conditions climatiques extérieures sont défavorables. C'est un lieu où les mouvements prennent forme, où l’on saute, grimpe et réinvente ses déplacements, quel que soit son niveau d’expérience. L'ADD Québec utilise également l'environnement urbain comme principal terrain de jeu.
Pratique d'ADD au local sur la rue St-Jean à Québec en 2022
2015 : Québec accueille à nouveau les Yamakasi
En 2015, Québec a l’honneur de recevoir trois figures emblématiques de l’Art du déplacement : Laurent Piemontesi, William Belle et Yann Hnautra, membres fondateurs des Yamakasi. Cet événement rassemble la communauté locale autour de leur enseignement unique et inspirant. Leur visite, lors de l'évènement ADDxp 2015, renforce les liens avec les origines de la discipline et offrant une occasion d’apprendre directement des fondateurs.
Photo de groupe lors de l'évènement ADDxp 2015 (source ADD Québec)
2019 : Simon découvre l’Art du déplacement
En 2019, Simon Lachance cherche une nouvelle activité à pratiquer en famille. Avec Loïc, son garçon, il assiste à un cours de l’Académie québécoise d’art du déplacement (ADD Québec) et tombe sous le charme. La discipline, bien plus qu’un simple entraînement physique, améliore aussi sa force mentale, son équilibre intérieur et sa confiance en lui. Enthousiaste, Simon décide de s’impliquer davantage dans cette communauté grandissante.
Simon et son garçon, Loïc, lors d'un cours au centre Videotron
2020 : La création de Parkour Québec (PKQC)
En 2020, Stéphane (propriétaire du DPK à Drummondville) fonde l'association québécoise de Parkour, Freerunning et Art du déplacement Parkour Québec (PKQC), une association provinciale dédiée à la promotion et au développement du parkour. Martin s’implique dès le début en tant que membre du conseil d’administration (CA), contribuant activement à structurer et faire rayonner la discipline à travers la province.
L'équipe de formateur de PKQC lors de la première formation d'assistants coachs à Québec (de gauche à droite: Stephane, Pascal, Klo et Martin)
2021 : Jessica devient directrice de l’ADD Québec
En 2021, Jessica devient directrice de l’ADD Québec. Elle et Martin, grâce à une présence forte sur les réseaux sociaux et à l’organisation d’événements communautaires, vivent des moments magiques en 2021 et 2022. Leur énergie contagieuse donne envie de partager ces bienfaits au plus grand nombre et d’agrandir cette communauté. Leur vision est claire : faire connaître l’Art du déplacement et montrer que bouger pour soi, sans compétition, est une source de plaisir et de bien-être.
Entre 2021 et 2022, Martin, Simon et Jessica participent à plusieurs événements marquants de parkour, notamment l’AmericanRendezvous (ARDV) à Boston et le MoveNYC à New York. Ces rencontres internationales enrichissent leur pratique et renforcent leur inspiration, qu’ils partagent ensuite avec la communauté québécoise.
Voyage à New York au MoveNY
Jams et événements : faire bouger la communauté
Martin et Jessica partagent ce désir profond de rassembler la communauté et d’encourager les gens à bouger ensemble. Dans cet esprit, ils ont organisé de nombreux jams extérieurs. Un jam, c’est un peu comme une jam session en musique : un rassemblement spontané où les participant(e)s se rencontrent, échangent et s’entraident pour apprendre ou perfectionner différents mouvements. Ces moments de partage et de progression collective sont au cœur de leur vision du Parkour. En parallèle, ils ont mis sur pied plusieurs éditions d’ADDxp avec ADD Québec, ainsi que le plus récent avec Obstak, Flow – La Ville en Mouvement, qui continue de faire vibrer les passionné(e)s du mouvement urbain.
Tamila Ben et Evan Beyer, Coach(e)s invité(e)s de l’édition Flow – La Ville en Mouvement lors d'un atelier
Atelier d'initiation à Havre-St-Pierre, été 2021
2021 : L’idée de grandeur émerge
En 2021, suite à un jam entre ami·e·s, autour d’un cornet de crème glacée, Simon lance l’idée d’ouvrir un centre dédié à l’Art du Déplacement, mais aussi à d’autres disciplines du mouvement. Ce qui n’était au départ qu’un rêve se transforme en un projet concret. Simon, Martin et Jessica décident d’unir leurs forces pour créer un espace accessible à tou·te·s, un « dojo » moderne où tu peux venir t’entraîner, te dépasser et développer ta créativité dans le mouvement. L’idée est de proposer bien plus qu’un lieu d’entraînement : une communauté.
Ce fameux cornet de crème glacé en mai 2021
2023 : Jessica rejoint le CA de PKQC
En 2023, Jessica rejoint également le CA de PKQC, aux côtés de Martin, Stéphane et Pascal. Ensemble, ils forment une équipe dynamique et engagée, travaillant à structurer et à faire rayonner la discipline à travers le Québec. Grâce à leur implication, Martin et Jessica tissent des liens avec les autres centres de Parkour de la province, favorisant la collaboration, le partage de ressources et la croissance de la communauté.
2023 - 2024 : La concrétisation du projet Obstak
Le désir de voir plus grand et d’offrir un espace sur mesure pour la pratique de l’Art du déplacement mène à la création d’Obstak. En 2023-2024, Jessica, Martin et Simon mettent tout en œuvre pour construire un lieu original, sécuritaire et inclusif. Stéphane, propriétaire du DPK à Drummondville depuis 2015 et athlète accompli de Parkour, embarque dans l’aventure à titre de mentor. Fort de son expérience, il nous guide sur certaines stratégies essentielles et nous donne la confiance nécessaire pour concrétiser ce projet ambitieux.
Design de Obstak en 3D réfléchi et conçu entièrement par Martin
Martin et Jess lors de la construction de Obstak en décembre 2023
Lors de l'acquisition du local au 500 avenue St-Jean-Baptiste.
Pendant ce temps, ailleurs au Québec
Pendant ce temps, un peu plus loin de Québec, deux autres centres de Parkour ouvrent leurs portes : Actn3 et Parc Ékilib. Leurs propriétaires deviennent rapidement des ami·e·s avec qui partager notre passion, mais aussi un précieux soutien dans les moments plus difficiles. Ensemble, on échange nos idées, nos défis et nos solutions, contribuant à faire grandir la communauté du Parkour au Québec.
29 mars 2024 : L’ouverture d’Obstak
Le 29 mars 2024, Obstak ouvre ses portes. Ce n’est pas qu’un simple centre d’entraînement, mais un espace de rencontre, d’échange et de dépassement. Tu y trouves des modules variés, des coachs attentif·ve·s, un environnement chaleureux et stimulant. Obstak représente l’accomplissement d’un rêve partagé, un lieu où tu peux progresser à ton rythme, sans pression, dans un esprit de solidarité et de respect.
Obstak lors de l'ouverture
Automne 2024 : Le premier parc de parkour extérieur au Québec
À l’automne 2024, le premier parc de parkour extérieur de la province voit le jour au parc de la Pointe-aux-Lièvres, à Québec. Conçu par la ville en collaboration avec Martin et Stephane par l'entremise de Parkour Québec, pour le design urbain, ce parc offre des modules adaptés à tous les niveaux. Tu peux désormais pratiquer en plein air, en toute saison. Ce projet, poussé par Martin et Jessica, est une grande fierté. Il marque une nouvelle étape, rendant l’Art du déplacement encore plus accessible et connu.
Conclusion
Des Yamakasi en France à Obstak au Québec, l’Art du déplacement et le Parkour ont su traverser les frontières pour trouver leur place dans le cœur de nombreuses communautés. À Québec, cette discipline a pris racine grâce à des passionné(e)s qui ont travaillé à la faire découvrir et apprécier. Plus qu’un sport, c’est une façon de bouger, de se dépasser et de voir la ville sous un nouvel angle. Aujourd’hui, le Parkour continue d’évoluer et de rassembler, notamment à travers des initiatives locales qui mettent en valeur son accessibilité et ses valeurs humaines.
Alors, prêt·e à rejoindre la communauté, à bouger, à développer ta force et ta créativité, et à découvrir ce que ton corps et ton esprit peuvent accomplir?